« Une année marquée par de nombreux défis ! »

Interview croisée entre Marc Deprez et Pascal Misselyn, respectivement président du conseil d’administration et coordinateur de BRUGEL.


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Quel a été selon vous le fait le plus marquant de l’exercice 2017 ?

Pascal Misselyn : Au niveau du marché de l’énergie, c’est sans conteste le report de la mise en œuvre du MIG6. Le MIG6 est l’ensemble de règles et de normes permettant l’échange de données entre le GRD et les fournisseurs. Son lancement, qui était initialement prévu pour janvier 2018, a dans un premier temps été reporté à septembre 2018… pour être finalement fixé à l’horizon 2020.

Marc Deprez : Ces reports successifs sont assez lourds de conséquences, car ils empêchent la mise en œuvre de toute une série de nouvelles technologies indispensables au marché. BRUGEL a vivement encouragé l’ensemble des GRD, et en particulier SIBELGA, à se fixer des objectifs et à les tenir.

La stabilité des prix sur le marché de l’énergie a-t-elle été maintenue en 2017 ?

Marc Deprez : Absolument ! Les prix sont restés relativement stables, car SIBELGA est parvenu à maîtriser ses tarifs de distribution grâce aux soldes régulatoires encore disponibles. Associée aux frais engendrés par la transition énergétique aux niveaux fédéral et régional, cette baisse du tarif de distribution a permis de maintenir une certaine stabilité des prix de l’énergie. Pour les prochaines années, le marché sera probablement marqué par de légères augmentations tarifaires.

D’autres faits importants ont-ils marqué ce marché ?

Pascal Misselyn : Les chiffres et les faits indiquent que certains fournisseurs se montrent plus frileux et hésitent à s’implanter sur le marché bruxellois. Les fournisseurs - qui sont par ailleurs implantés dans les autres régions du pays - estiment en effet que les conditions du marché, les conditions socioéconomiques et la protection sociale plus poussée que dans les autres régions sont pénalisantes.

Marc Deprez : Dans ce contexte, nous avons constaté que certains fournisseurs ne proposaient pas toujours leurs meilleures offres sur le marché bruxellois de l’électricité et du gaz. Un gros fournisseur a même décidé de ne plus faire de nouvelles offres pour le secteur des particuliers. Il va juste se contenter de gérer ses clients existants. Si ce phénomène devait s’étendre à d’autres fournisseurs, ça deviendrait vraiment préoccupant.

Quelle solution proposez-vous pour enrayer ce phénomène ?

Pascal Misselyn : Les différentes études indiquent qu’il y a entre 70 et 80 000 ménages en précarité énergétique sur un total de 550 000 en RBC. Comparé aux 2 200 clients protégés répertoriés, l’écart est gigantesque… et atteste du peu d’attrait du système de protection.

Marc Deprez : Afin que les clients résidentiels soient mieux protégés, nous pensons qu’il est désormais nécessaire de réformer et d’améliorer le fonctionnement de la protection sociale en matière d’énergie. Nous estimons en effet que le système actuel repose sur d‘excellents principes qu’il y a lieu de préserver, mais son application concrète s’avère dans certains cas problématique ou inefficace.

Pensez-vous que ces conditions particulières conditionnent l’évolution du marché ?

Marc Deprez : Absolument ! Plusieurs indicateurs le démontrent. Le nombre de limiteurs installés chez des clients en défaut de paiement a considérablement augmenté. Nous sommes ainsi passés de 25 220 limiteurs de puissance en 2016 à 27 884 fin 2017. Cette augmentation nous éclaire sur la situation de précarité énergétique qui est une réalité à Bruxelles. Elle démontre surtout que les pratiques commerciales de la part des fournisseurs ont évolué. Les fournisseurs sont beaucoup plus attentifs et réactifs en cas de défaut de paiement. Pour rappel, BRUGEL a proposé la suppression de ces limiteurs de puissance, car nous sommes convaincus que ces mesures pénalisantes pour le consommateur ne diminuent pas vraiment sa consommation globale et donc sa facture, et n'offrent pas de solution réelle.

Pascal Misselyn : Nous avons également constaté que le taux de switch – le nombre de clients qui changent de fournisseurs – a ralenti en 2017. Cette baisse est en grande partie due au fait que les fournisseurs sont moins actifs en matière de campagnes de communication. Et que les clients sont surtout réactifs à la suite de ces campagnes. Quoi qu’il en soit, la RBC bénéficie des prix de l’énergie les plus bas en Belgique. Nous sommes très attentifs à ce que ces prix restent toujours aussi avantageux pour les Bruxellois.

Quid de la transition énergétique ?

Marc Deprez : Nous sommes bien conscients que la transition énergétique est une priorité pour le marché : décentralisation de la production, énergies renouvelables, flexibilité, efficacité énergétique, prosumers plus actifs, etc. En 2017, le marché de la flexibilité est parvenu à atteindre une vitesse de croisière relativement porteuse. Des initiatives, à l’origine tâtonnantes, sont devenues de plus en plus effectives. Au niveau des énergies renouvelables, la tension est palpable en RBC : le marché des certificats verts (CV) a connu une légère flambée des prix sur le marché. Pour la première fois, les CV ont dépassé le seuil des 100 euros.

Comment avez-vous abordé la problématique de la conversion du réseau du gaz en 2017 ?

Pascal Misselyn : La conversion du gaz pauvre en gaz riche ne devrait pas poser de problèmes techniques sur le réseau en RBC. En 2017, nous avons plutôt été préoccupés par la situation des équipements au-delà des compteurs. Nous savons en effet qu’il existe un nombre d’installations obsolètes - mais non quantifiées - chez les particuliers. Il nous parait dès lors indispensable de profiter de cette occasion pour effectuer des contrôles systématiques à domicile. Même si l’installation domestique relève de la responsabilité du propriétaire, nous considérons que les pouvoirs publics doivent encadrer ce processus et permettre aux propriétaires en situation vulnérable de passer le cap en leur proposant des appuis et des aides financières.

Quelle a été votre stratégie opérationnelle en 2017 ?

Marc Deprez : BRUGEL a clairement privilégié le dialogue, les consultations et les échanges avec tous les acteurs du secteur. Durant toute l’année 2017, BRUGEL a tenu de nombreuses réunions avec le GRD SIBELGA, les services sociaux, les fournisseurs, le médiateur fédéral, les juges de paix, les régulateurs régionaux et le régulateur fédéral, etc. Lorsque nos services ont émis des avis, ils ont systématiquement interrogé ces acteurs afin d’enrichir le débat. L’exercice 2017 a également été marqué par le lancement de notre nouveau site Internet plus fonctionnel et la mise en place d’un opendata qui permet désormais d’offrir des informations utiles au plus grand nombre.

Quelle vision stratégique avez-vous mise en place pour votre contrôle de gestion ?

Pascal Misselyn : En matière de contrôle de gestion, BRUGEL a privilégié une vision sur laquelle s’appuie toute notre organisation. Dans cet esprit, nous avons développé une lettre d’orientation pour appuyer notre budget, nous avons défini des objectifs stratégiques et opérationnels, et nous sommes en passe de définir des KPI (indicateurs de performance) pertinents. Si les principaux jalons sont déjà posés, nos objectifs ne sont pas encore totalement quantifiés de manière opérationnelle.

Comment avez-vous intégré la nouvelle mission de contrôle du prix de l’eau au sein de vos équipes ?

Marc Deprez : Nous allons en effet recevoir une nouvelle compétence : le contrôle du prix de l’eau. Pour BRUGEL, l’élargissement de nos compétences est un gage de confiance que nous accorde le Gouvernement et le Parlement bruxellois. De plus, outre le contrôle de la tarification du prix de l’eau, BRUGEL devra également fixer les conditions générales de l’opérateur et mettre en place un service de médiation. Dans cet esprit, nous aurons la possibilité de réaliser des études et de proposer des avis. Ces missions constituent donc un fameux défi que nos services sont prêts à relever.

Pascal Misselyn : Pour le relever justement, nous avons décidé de traiter l’eau à l’instar des autres fluides que sont le gaz ou l’électricité. Nous avons donc privilégié une approche multisectorielle et multidisciplinaire. Toutes les thématiques sont analysées sous un angle financier, technique, juridique, etc., par des équipes polyvalentes. Pour la mise en place de cette stratégie, nous avons réalisé des études prospectives et engagé le personnel qualifié qui nous manquait. Cette méthode nous permet désormais de bénéficier d’économies d’échelle et de regards croisés, voire critiques, sur les différents opérateurs. Comme l’ensemble de nos équipes a dû être sensibilisé à la thématique de l'eau, nous avons proposé en 2017 un certain nombre de formations et de visites à l’ensemble du personnel.

Le profil des collaborateurs a-t-il changé en 2017 ?

Pascal Misselyn : Pas vraiment, car BRUGEL se positionne avant tout comme un « centre d’études pour les autorités publiques ». En dehors des tâches régulatoires strictes de contrôle et d’encadrement, nos collaborateurs consacrent une partie de leur temps à la réflexion, aux études et à l’analyse. Les modes opératoires, les compétences et les expertises nécessaires pour gérer notre nouvelle mission « eau » existent déjà au sein de BRUGEL. Notre approche est de garder une compétence multidisciplinaire et d’engager des profils variés pour mener à bien ces missions. En réponse à l’invitation d’Actiris, BRUGEL a également ouvert, en 2017, un poste administratif polyvalent afin d’offrir une expérience professionnelle à des jeunes peu diplômés.


Marc Deprez
Président du conseil d’administration


Pascal Misselyn
Coordinateur de BRUGEL




Afin que les clients résidentiels soient mieux protégés, nous pensons qu’il est désormais nécessaire de réformer le fonctionnement de la protection sociale en matière d’énergie.

Marc Deprez





La Région de Bruxelles-Capitale bénéficie des prix de l’énergie les plus bas en Belgique. Nous sommes très attentifs à ce que ces prix restent toujours aussi avantageux pour les Bruxellois.

Pascal Misselyn